D'APRES LE MONDE DES LIVRES
Les grands écrivains ont toujours une conscience aiguë de leur oeuvre et Romain Gary n'échappe pas à la règle. "Ce manuscrit de mon premier roman écrit à 17 ans ne doit pas être publié. Il peut être ouvert." C'est seulement le 16 décembre 1979, soit un peu moins d'un an avant son suicide, qu'il trace ces quelques lignes à l'encre noire sur une étiquette qu'il colle sur le cahier de La Geste grimaçante, écrit en 1934. On imagine l'écrivain, en robe de chambre, fatigué, au seuil de ses double, triple, voire quadruple vies (la mystification Ajar n'est pas encore révélée), qui classe ses manuscrits conservés depuis l'adolescence, faisant le tri entre ceux qui doivent passer à la postérité et ceux qu'il entend laisser dans l'ombre...
Romain Gary s'est suicidé il y a trente ans, le 2 décembre 1980, en se tirant une balle de pistolet dans la bouche. L'actrice Jean Seberg, avec laquelle il avait eu un fils, Diego, s'était, elle aussi, suicidée, quatorze mois plus tôt.
Le texte de La Geste grimaçante est pour la première fois exposé au Musée des lettres et manuscrits (MLM), à Paris. Il est l'un des nombreux manuscrits (plus de vingt) du romancier présentés dans le cadre de l'exposition "Romain Gary, des "Racines du ciel" à "La Vie devant soi"", la première à lui être entièrement consacrée. Diego Gary, fils de l'écrivain, a passé un accord avec Gérard Lhéritier, mécène et président du MLM, qui gardera les manuscrits en dépôt, après l'exposition. Sont aussi présentés ceux du Charlatan (inédit), de Chien blanc, de Gros-Câlin, de La Vie devant soi, de Clair de femme, de La nuit sera calme, etc. On constate que l'écrivain affectionnait particulièrement les cahiers noirs cartonnés à 32 lignes, de la marque Dauphin.
Au fil du temps, mais parfois à une seule année de distance, l'écriture de Romain Gary varie énormément. De manière troublante, elle prend parfois des allures féminines. Sa manière de travailler est aussi montrée, grâce à des extraits de sa documentation, des articles de journaux, des pièces manuscrites ou photocopiées, disposés à côté des textes originaux. Dans une vitrine, sont ainsi exposées les neuf versions du premier chapitre des Enchanteurs.
Par un singulier hasard, la première exposition consacrée à Romain Gary et à ses écrits se tient à deux pas de sa dernière résidence parisienne. Dans un supplément de 12 pages du Point, Jean-Paul Enthoven raconte que Romain Gary avait acheté une robe de chambre "Aux laines écossaises", une boutique qui existe toujours sur le boulevard Saint-Germain. Il l'avait choisie rouge pour que les taches de sang liées à son suicide effraient le moins possible ceux qui seraient amenés à découvrir sa dépouille mortelle. Un geste d'une élégance typiquement "garyenne".
Des laines écossaises, on passe forcément au caméléon, un animal totem pour Romain Gary, l'homme aux multiples visages. Ne dit-on pas que, pour rendre fou un caméléon, il suffit de le placer sur un plaid écossais ? Dans le cas de Romain Kacew, juif lituanien, né en 1914 à Vilnius et naturalisé français en 1935, cette parenté tient juste au fait que l'écrivain affectionnait les masques. Dans toutes ses vies (aviateur, diplomate, réalisateur de cinéma...), il a en effet usé de nombreux pseudonymes : Romain Gary, Fosco Sinibaldi, Shatan Bogat, Emile Ajar. Dans La Promesse de l'aube, son roman le plus célèbre, il regrette même de ne pas avoir trouvé "de Gaulle" - dont il fut le compagnon à Londres en 1940 -, mais avec un seul "l", bien sûr. Il écrit aussi en plusieurs langues, en français et en anglais, tout en sachant parler le russe, le polonais, le lituanien.
Pour accompagner cette exposition qui célèbre le 30e anniversaire de la disparition de Romain Gary, deux beaux livres : l'un qui en est le catalogue, mais qui est aussi une relecture de l'oeuvre par douze écrivains parmi lesquels Paul Audi, Pierre Bayard, Nancy Huston, Jean-Marie Rouart, etc. ; l'autre est un livre album, intitulé Romain Gary, l'enchanteur. Publié chez Textuel, dans la collection "Passion", ce deuxième ouvrage est réalisé par Myriam Annissimov, la spécialiste incontestée de Romain Gary, auteur de la biographie de référence Romain Gary, le caméléon (Denoël, 2004), qui est toujours disponible.
--------------------------------------------------------------------------------
Exposition "Romain Gary, des "Racines du ciel" à "La Vie devant soi"", 3 décembre-20 février 2011, Musée des lettres et manuscrits, 222, bd Saint-Germain, Paris 7e. De 10 heures à 19 heures, nocturne le jeudi jusqu'à 21 h 30, fermé le lundi. Entrée 7 €, tarif réduit 5 €. Tél. : 01-42-22-48-48. Sur le Web : www.museedeslettres.fr.
Publications :
Lectures de Romain Gary, Gallimard/Musée des lettres et manuscrits/le Magazine littéraire, 288 p., 35 €, en vente le 5 janvier.
Romain Gary, l'enchanteur, de Myriam Anissimov, Textuel, 192 p., 49 €.
Les principaux titres de Romain Gary sont disponibles en "folio". Signalons aussi Romain Gary, à la traversée des frontières, de Jean-François Hangouët (Gallimard, "Découvertes") 128 p., 14,30 € ; Romain Gary-Emile Ajar, Légendes du je. Récits, romans (Gallimard, "Quarto") 1 428 p., 29,90 €, ainsi que huit carnets, de La Crête de la vague à A bout de souffle, aux éditions de l'Herne (de 8,50 € à 10,50 €).
Les grands écrivains ont toujours une conscience aiguë de leur oeuvre et Romain Gary n'échappe pas à la règle. "Ce manuscrit de mon premier roman écrit à 17 ans ne doit pas être publié. Il peut être ouvert." C'est seulement le 16 décembre 1979, soit un peu moins d'un an avant son suicide, qu'il trace ces quelques lignes à l'encre noire sur une étiquette qu'il colle sur le cahier de La Geste grimaçante, écrit en 1934. On imagine l'écrivain, en robe de chambre, fatigué, au seuil de ses double, triple, voire quadruple vies (la mystification Ajar n'est pas encore révélée), qui classe ses manuscrits conservés depuis l'adolescence, faisant le tri entre ceux qui doivent passer à la postérité et ceux qu'il entend laisser dans l'ombre...
Romain Gary s'est suicidé il y a trente ans, le 2 décembre 1980, en se tirant une balle de pistolet dans la bouche. L'actrice Jean Seberg, avec laquelle il avait eu un fils, Diego, s'était, elle aussi, suicidée, quatorze mois plus tôt.
Le texte de La Geste grimaçante est pour la première fois exposé au Musée des lettres et manuscrits (MLM), à Paris. Il est l'un des nombreux manuscrits (plus de vingt) du romancier présentés dans le cadre de l'exposition "Romain Gary, des "Racines du ciel" à "La Vie devant soi"", la première à lui être entièrement consacrée. Diego Gary, fils de l'écrivain, a passé un accord avec Gérard Lhéritier, mécène et président du MLM, qui gardera les manuscrits en dépôt, après l'exposition. Sont aussi présentés ceux du Charlatan (inédit), de Chien blanc, de Gros-Câlin, de La Vie devant soi, de Clair de femme, de La nuit sera calme, etc. On constate que l'écrivain affectionnait particulièrement les cahiers noirs cartonnés à 32 lignes, de la marque Dauphin.
Au fil du temps, mais parfois à une seule année de distance, l'écriture de Romain Gary varie énormément. De manière troublante, elle prend parfois des allures féminines. Sa manière de travailler est aussi montrée, grâce à des extraits de sa documentation, des articles de journaux, des pièces manuscrites ou photocopiées, disposés à côté des textes originaux. Dans une vitrine, sont ainsi exposées les neuf versions du premier chapitre des Enchanteurs.
Par un singulier hasard, la première exposition consacrée à Romain Gary et à ses écrits se tient à deux pas de sa dernière résidence parisienne. Dans un supplément de 12 pages du Point, Jean-Paul Enthoven raconte que Romain Gary avait acheté une robe de chambre "Aux laines écossaises", une boutique qui existe toujours sur le boulevard Saint-Germain. Il l'avait choisie rouge pour que les taches de sang liées à son suicide effraient le moins possible ceux qui seraient amenés à découvrir sa dépouille mortelle. Un geste d'une élégance typiquement "garyenne".
Des laines écossaises, on passe forcément au caméléon, un animal totem pour Romain Gary, l'homme aux multiples visages. Ne dit-on pas que, pour rendre fou un caméléon, il suffit de le placer sur un plaid écossais ? Dans le cas de Romain Kacew, juif lituanien, né en 1914 à Vilnius et naturalisé français en 1935, cette parenté tient juste au fait que l'écrivain affectionnait les masques. Dans toutes ses vies (aviateur, diplomate, réalisateur de cinéma...), il a en effet usé de nombreux pseudonymes : Romain Gary, Fosco Sinibaldi, Shatan Bogat, Emile Ajar. Dans La Promesse de l'aube, son roman le plus célèbre, il regrette même de ne pas avoir trouvé "de Gaulle" - dont il fut le compagnon à Londres en 1940 -, mais avec un seul "l", bien sûr. Il écrit aussi en plusieurs langues, en français et en anglais, tout en sachant parler le russe, le polonais, le lituanien.
Pour accompagner cette exposition qui célèbre le 30e anniversaire de la disparition de Romain Gary, deux beaux livres : l'un qui en est le catalogue, mais qui est aussi une relecture de l'oeuvre par douze écrivains parmi lesquels Paul Audi, Pierre Bayard, Nancy Huston, Jean-Marie Rouart, etc. ; l'autre est un livre album, intitulé Romain Gary, l'enchanteur. Publié chez Textuel, dans la collection "Passion", ce deuxième ouvrage est réalisé par Myriam Annissimov, la spécialiste incontestée de Romain Gary, auteur de la biographie de référence Romain Gary, le caméléon (Denoël, 2004), qui est toujours disponible.
--------------------------------------------------------------------------------
Exposition "Romain Gary, des "Racines du ciel" à "La Vie devant soi"", 3 décembre-20 février 2011, Musée des lettres et manuscrits, 222, bd Saint-Germain, Paris 7e. De 10 heures à 19 heures, nocturne le jeudi jusqu'à 21 h 30, fermé le lundi. Entrée 7 €, tarif réduit 5 €. Tél. : 01-42-22-48-48. Sur le Web : www.museedeslettres.fr.
Publications :
Lectures de Romain Gary, Gallimard/Musée des lettres et manuscrits/le Magazine littéraire, 288 p., 35 €, en vente le 5 janvier.
Romain Gary, l'enchanteur, de Myriam Anissimov, Textuel, 192 p., 49 €.
Les principaux titres de Romain Gary sont disponibles en "folio". Signalons aussi Romain Gary, à la traversée des frontières, de Jean-François Hangouët (Gallimard, "Découvertes") 128 p., 14,30 € ; Romain Gary-Emile Ajar, Légendes du je. Récits, romans (Gallimard, "Quarto") 1 428 p., 29,90 €, ainsi que huit carnets, de La Crête de la vague à A bout de souffle, aux éditions de l'Herne (de 8,50 € à 10,50 €).
Nessun commento:
Posta un commento