bellissima intervista de le Figaro littéraire con la figlia di Camus
DA LE FIGARO LITTERARIRE
«Je lui ai dit “tu es triste, papa ?”, il m'a répondu : “Je suis seul.”»
Propos recueillis par Mohammed Aïssaoui
Elle parle lentement, et toujours avec un sourire teinté d'autodérision. Celle qui se décrit comme «l'œuvre mineure d'Albert Camus » a peur d'être mal comprise : il y a eu tant de malentendus - Camus au Panthéon ? Elle ne veut plus en entendre parler. La politique, les polémiques, tout cela l'agace au plus profond. Elle avait 14 ans à la mort de son père, a vécu dans son souvenir et pourtant, celle qui vient de publier un superbe album de photos, Albert Camus, solitaire et solidaire (Michel Lafon), ne voudrait retenir que l'essentiel : «Je n'en reviens pas de cet hommage rendu à mon père.»
LE FIGARO LITTÉRAIRE. - Que pensez-vous de l'hommage fait à votre père, cinquante ans après sa disparition ?
CATHERINE CAMUS. - Je n'en reviens pas. C'est une magnifique reconnaissance, je ne m'y attendais pas du tout. Mais l'agitation provoquée par cet anniversaire chamboule mon quotidien. Quant à cette histoire de « Camus au Panthéon », je ne sais plus quoi répondre, je ne veux plus répondre… Qui suis-je pour dire oui ou non à un tel hommage ? C'est un symbole, le plus grand hommage de la République à un gamin des rues. Tout cela dépasse ma personne. Contrairement à d'autres, je n'ai jamais parlé à la place de mon père ni dit ce qu'il aurait pu penser ou ne pas penser…
Un téléfilm a été diffusé hier sur la vie de votre père qui ne le présente que sous le prisme de ses conquêtes féminines, qu'en avez-vous pensé ?
La seule chose que je souhaite dire, c'est que je n'ai participé en rien à ce film. J'ai même été volontairement tenue à l'écart…
Vous aviez quatorze ans lorsque votre père est mort. Quels souvenirs gardez-vous de lui ?
Le souvenir d'un homme rigoureux, sérieux, mais en même temps plein de vie, drôle, généreux. On oublie qu'il avait beaucoup d'humour, qu'il aimait blaguer. Je me souviens également d'un moment qui m'a marquée - j'avais huit ans, c'était en 1953. Mon père était visiblement triste, je suis allée le voir et je lui ai dit «tu es triste, papa ?», il m'a répondu : «Je suis seul», sans rien ajouter. Vous savez, Camus n'a pas toujours été considéré comme il l'est aujourd'hui. Il a remonté une pente incroyable…
Quand avez-vous découvert l'écrivain qu'il représentait ?
J'ai vu Caligula à l'âge de douze ans, mais j'ai découvert tous ses titres à dix-sept ans, quand il n'était plus là. La Chute et son Discours de Suède m'ont beaucoup marquée, je trouvais cela magnifique. J'adhérais complètement à sa manière de concevoir la mission d'un artiste, celle qui consiste à être libre et à être « l'oxygène du monde ». J'ai également beaucoup aimé son recueil de nouvelles L'Exil et le royaume. Je pense qu'on a tendance à oublier de parler du style de Camus, de sa beauté : il écrit extraordinairement bien et tenait à la précision des mots, à la clarté. Aujourd'hui, encore, je relis toutes les adaptations que l'on me propose - et je veille à ce qu'il n'y ait pas de trahison -, je lis aussi les traductions en anglais, en espagnol et en italien, eh bien, il y a toujours quelque chose à découvrir.
N'en avez-vous pas assez d'être continuellement dans son ombre ?
Ce n'est pas le genre de type qui vous fait de l'ombre. Et la lumière ne m'intéresse pas ! Je fais mon travail du mieux que je peux. C'est vrai, j'aimerais avoir plus de temps pour moi, et je ne suis pas libre du tout… Mais il y a pire comme situation.