martedì 16 febbraio 2010

MALRAUX THE ETERNAL WIFE

da
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Malraux, l’épouse éternelle

L’histoire littéraire est riche d’écrivains qui se seront acharnés à se faire un prénom. Plus rares sont ceux qui s’évertuent à conserver leur nom, surtout quand ce n’est pas le leur. Ainsi Clara Malraux (1897-1982) née Goldschmidt, issue d’une famille juive allemande aisée et assimilée qui fit le choix de Paris en 1881. Elle fut sa première épouse et la mère de Florence Malraux. Ils s’étaient rencontrés au banquet organisé en 1921 par la revue littéraire et artistique Action à laquelle ils collaboraient tous deux. Une nuit au Lutetia avant une échappée en Italie et, dès leur retour, les voilà mariés devant le maire du XVIème arrondissement contre la volonté des Goldschmidt qui ne voient dans ce très jeune homme (il est encore mineur) qu’un coureur de dot. Ils ont du flair car Malraux ne tarde pas à ruiner leur jeune couple en investissant dans des mines d’or mexicaines. Qu’à cela ne tienne, ils montent une expédition pour Angkor dans le but avoué d’y découper des bas-reliefs khmers afin de les revendre. Scandale, procès, pétition. Du mou pour la légende en marche. N’empêche qu’en lisant La Voie royale, prix Interallié 1930, elle peut déjà s’inquiéter sur l’avenir de leur couple puisqu’il l’a gommée de la transposition romanesque de leur aventure. Ils n’en poursuivent pas moins leur existence de « vagabonds heureux », flâneurs salariés chez Gallimard. Dès 1932, Louise de Vilmorin est pourtant dans la place et la concurrence se précise car si Clara est intelligente, cosmopolite, rapide et intellectuellement très charpentée, sa disgrâce physique et son caractère jouent contre elle. Un temps, elle reprend espoir tant la May de La Condition humaine, prix Goncourt 1933, lui ressemble. Las ! L’Espoir est le premier livre qu’il écrit loin d’elle, sa première lectrice. Clara Malraux devient dès lors une immense attente insatisfaite, allant de déception en déconvenues. Comment ne pas l’être en apprenant qu’il demande le divorce en janvier 1941, trois mois après la promulgation du statut des Juifs, ce qui la contraindrait à redevenir Goldschmidt au pire moment ? Clara Malraux, « qui n’est pas une femme qu’on abat », refuse et entre dans des mouvements de résistance français et allemand. Elle n’a vécu que par rapport à lui, qu’il se tînt à ses côtés ou qu’il la tînt à distance. La situation est assez pathétique. Tôt abandonnée, elle n’abandonna jamais : la rancœur est un moteur. Quand sa rivale Josette Clotis, pourtant morte tragiquement en 1944, fut ressuscitée trente ans après par un livre, elle en fit une maladie. Clara Malraux « Nous avons été deux » (474 pages, Grasset), le récit que vient de faire paraître Dominique Bona, est d’une grande fluidité. Il est si agréable qu’il encourage à flâner dans cette vie dont l’intérêt ne semblait pas a priori mériter 474 pages. A posteriori non plus. Difficile de revenir à l’un, après Jean Lacouture et Olivier Todd ; superflu de revenir à l’autre, après ses six volumes de mémoires. Un tel livre ne s’imposait qu’à la condition de joindre l’un à l’autre et c’est bien le parti pris de l’étude d’un couple qu’a au fond choisi l’auteur. Le sous-titre indique « Nous avons été deux ». Tout le drame de cette héroïne aura été de ne pouvoir dire, telle Billie Holiday évoquant sa complicité avec Lester Young : «Nous ne faisions qu’un, mais lequel ? ». Avant celle-ci, Clara Malraux avait déjà fait l’objet de trois biographies. C’est beaucoup pour un auteur à l’œuvre assez mince, essentiellement autobiographique, et qui n’aura eu d’existence que dans l’ombre d’un véritable écrivain dont elle n’aura partagé la vie que pendant une dizaine d’ années, mais dont elle aura gardé le nom « contre vents et marées ». Toute sa vie et toute sa mort.