martedì 8 giugno 2010

"Eloge du mauvais geste"

D'APRES LE MONDE
"Eloge du mauvais geste", d'Ollivier Pourriol : petite métaphysique du foot

C'est un petit livre sur la grandeur du mauvais geste, et sans doute un grand livre sur le foot. Ollivier Pourriol, 38 ans, normalien et agrégé de philosophie, s'est fait connaître par ses conférences mêlant cinéma et philosophie, où Hegel et Descartes étaient expliqués à la lumière des grands blockbusters américains.

Ici, c'est le terrain des footballeurs qui devient un nouvel espace de réflexion. A travers six exemples connus de tous, amateurs ou non du ballon rond, chacun de ces mauvais gestes illustre, de près ou de loin, la pensée des Grecs, de Sartre et de Spinoza, ou la morale kantienne.

Le coup de tête de Zidane, le but de la main de Maradona, la main de Thierry Henry, le coup de pied d'Eric Cantona à un supporteur, l'agression de Schumacher sur Battiston et les manifestations de joie de Platini après un penalty, alors que 39 personnes venaient de trouver la mort dans le stade du Heysel. Autant de "mauvais gestes", qui, comme des lapsus, révèlent un sens caché.

Ainsi, le coup de tête de Zidane n'est pas seulement un mouvement incontrôlé, commis sous l'emprise de la colère, c'est "un geste fou mais réalisé avec une technicité d'ingénieur". Zidane ne frappe pas Materazzi à la tête mais au coeur, "siège du courage et de la colère". Un coup entre la "tête aux froids calculs et le ventre aux bouillants désirs contradictoires".

La tricherie de Maradona, sa main assumée, "la main de Dieu" comme il le dira lui-même, qui marque un but, a le mérite d'être totalement assumée et précède un but parfait, miraculeux et sans tricherie. "Maradona qui rachète par un but surnaturel son but humain trop humain". Maradona qui goûte au pouvoir de la volonté, qui "décide de s'accorder un petit miracle".

Une main différente de celle de Thierry Henry, vingt-quatre ans plus tard, car "là où Maradona reconnaissait joyeusement avoir triché, Henry transige tristement avec le réel". Le mauvais geste de Thierry Henry que personne n'a vu, pose, comme l'anneau de Gygès de Platon qui rendait invisible, la question suivante : "Qui serait encore honnête si l'invisibilité lui était garantie ?"

Les caméras filment, les joueurs sont en quelque sorte contraints à avouer leurs fautes. Mais quelle dignité demeure dans le jeu, s'interroge le philosophe ? "Un footballeur assuré d'être toujours vu et pris ne commettrait donc plus de faute, mais il n'y aurait plus aucun mérite. Justice absolue ou liberté chérie ?"

Pour Ollivier Pourriol, Cantona qui donne ce coup de pied inouï, digne de Bruce Lee, à un supporteur qui l'insulte, n'est pas simplement une brute épaisse. Il "donne une leçon de morale". En "Diogène des stades", il se jette "comme un chien enragé sur l'imbécile qui a eu le malheur de croiser le chemin de son exigence. Cantona philosophe à coups de crampons."

Un bon "salaud"

Schumacher, auteur en 1982 d'un coup brutal contre Battiston, est un bon "salaud " au sens sartrien du terme, comme on parle "d'un bon voleur ou d'un bon sycophante". Contrairement aux apparences, ce n'est pas la même chose qui définit Platini quand il laisse exploser sa joie après les morts du stade du Heysel en 1982. Platini qui, pourtant, cinq ans plus tard confiera : "A Bruxelles, Je n'ai jamais pensé aux morts. "

C'est, au fond, une définition du jeu, telle que Pascal l'écrivait : "On ne recherche les conversations et les divertissements des jeux que parce qu'on ne peut demeurer chez soi avec plaisir." Jouer au football pour sauver la vie d'elle-même, "sauver les spectateurs à la fois de leur vie et de leur mort". Mais pour cela encore faut-il aimer le foot.

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ELOGE DU MAUVAIS GESTE d'Ollivier Pourriol. Nil, 128 pages, 13,50 €.

Sylvie Chayette

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