venerdì 2 aprile 2010

LITTERATURE AU TRIBUNAL

La littérature dans le prétoire
DA LE MONDE DES LIVRES

Pierre-Ernest Pinard a marqué au fer rouge les relations entre justice et littérature. Ce procureur de Paris - "avocat impérial" était son titre -, qui deviendra un éphémère ministre de l'intérieur, est passé à la postérité pour avoir, en une même année (1857), poursuivi pour "atteinte à la morale publique et à la religion" Gustave Flaubert, Charles Baudelaire et Eugène Sue.



L'avocat Emmanuel Pierrat note avec justesse que la plaidoirie de son lointain confrère Jules Senard pour Flaubert est presque aussi caricaturale que le réquisitoire. Pour s'attirer la clémence des juges, il n'avait pas hésité à soutenir que Madame Bovary était une oeuvre salutaire, qui avait pour but d'exhorter les femmes à la vertu par l'étalage des dangers de l'adultère ! Et que dire de Me Gustave Chaix d'Ange, défenseur de Baudelaire, dont la plaidoirie fut jugée si médiocre par le poète que celui-ci confia : "Si j'avais plaidé moi-même ma cause, j'eusse été sans doute acquitté."

Pinard obtiendra gain de cause pour Les Mystères du peuple, la mort de l'auteur n'ayant en rien atténué ses foudres, il sera suivi partiellement pour Baudelaire, le tribunal n'ayant retenu que l'offense à la morale publique, mais, à son grand dam, il échouera à faire condamner Flaubert.

Notre siècle n'a rien à envier à ces lointains censeurs, observe Emmanuel Pierrat. Si l'Etat a peu à peu abandonné le premier rôle en la matière, la censure n'a pas disparu, elle a seulement changé de nature. Au nom de la religion, de la défense des droits de l'homme, de ceux de la femme ou de l'enfant, de multiples associations poursuivent des écrivains en justice "pour défendre un intérêt qu'ils disent général". "Les ciseaux d'Anastasie sont désormais très majoritairement manipulés à coups d'initiatives privées", relève Pierrat.

L'avocat, spécialisé dans le droit de la propriété intellectuelle, s'est aussi intéressé à cette tribu particulière que constituent les héritiers d'auteurs - ceux de Picasso, Dolto, Borges, Giacometti, Saint-Exupéry, Trenet ou Stieg Larsson - grands fournisseurs de contentieux devant les tribunaux (Familles, je vous hais ! Les héritiers d'auteurs, Hoëbeke, 298 p., 18 €.). Il dresse le tableau sanglant de ces veuves abusives, neveux ambitieux, frères et soeurs aigris, enfants hargneux, devenus pour beaucoup de redoutables procureurs ou censeurs familiaux, "ayants droit... d'emmerder le monde". Rendez-nous Pinard !

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